Les contradictions de notre rapport au travail

La question posée, dans la mesure où elle présuppose un gain au travail, induit une manière de l'envisager qui révèle d'emblée plusieurs contradictions :

• D’un côté, il s’agirait de "gagner son pain", soit ce qui assure les conditions de notre survie ; mais dans le même temps, ne travaille-t-on pas justement pour nous donner les moyens d’accéder à ce qui, par-delà cette nécessité première, constitue à nos yeux les conditions d’une vie heureuse ? 
• D’un côté, nous subissons le travail comme une contrainte, contractualisée, qui nous impose des horaires et des tâches à réaliser ; mais dans le même temps, c’est par et dans notre travail que nous existons, voire nous épanouissons socialement.
• Si le travail nous apparaît comme pénible, fatigant, voire l’activité dans laquelle nous perdons notre temps à devoir gagner notre vie, alors il pourrait être tentant de l’éliminer, ou du moins d’en réduire la place dans l’organisation de nos vies. Pour autant, dès lors que, dans des temps de loisir, nous échappons à la contrainte du travail, n’est-ce pas pour y reproduire exactement la même logique à l’œuvre (concurrence, compétition, recherche de performance, etc.) ?
•  Si le travail nous est pénible, l’absence de travail (par exemple sous la forme du chômage) ne l’est-elle pas plus encore ? Si le travail nous épuise, conduisant à attendre les temps de repos ou de vacances comme une véritable joie, éprouverait-on cette joie sans, justement, la période d’effort qui les a précédés ?
• Si le travail apparaît comme un moyen de satisfaire certains besoins et désirs, la place qu’il occupe dans nos vie n’est-elle pas alors excessive ? N’y devient-il pas une fin, plutôt qu’un moyen, comme le suggère déjà l’idée que l’on doit "bien travailler à l’école" pour "faire de bonnes études" pour "avoir un bon travail" ? Ne pourrait-on pas alors aller jusqu’à faire l’hypothèse que, derrière sa logique apparente utilitaire (nous travaillons pour y gagner quelque chose), le gain véritable du travail serait le travail lui-même ?